juin 26, 2024
BD

Au Chant des Grenouilles

Auteurs : Barbara Canépa, Anaïs Halard et Florent Sacré

Editeur : Oxymore Editions

Genre : Fantastique

Résumé :

Alors qu’Urania la sorcière raconte une histoire à faire peur aux enfants, ces derniers rentrent chez eux et se préparent au futur concours de pâtisserie qui semble attirer toutes les convoitises et les jalousies.

Avis :

Sortir des bandes-dessinées à concept est un pari assez risqué, car il peut rapidement prendre l’eau. J’entends par là que si les deux premiers tomes ne marchent pas, il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de suite, et tout le concept s’écroule tel un château de cartes en plein mistral. Pourtant, le neuvième art est adepte de ce genre de délire, avec la saga « sept » chez Delcourt ou encore toute la série Uchronie avec trois fois trois tomes dans des villes différentes, puis un dixième tome qui réunit l’ensemble de l’intrigue. Bref, les séries concepts, on connait, et Au Chant des Grenouilles ne sera pas la première à tenter l’expérience.

Car oui, il s’agit d’une bande-dessinée un peu particulière créée par Barbara Canépa et Anaïs Halard. Outre le fait que chaque tome soit dessiné par un graphiste différent (comme pour La Geste des Chevaliers Dragons), il s’agit-là d’une série à destination d’un public jeune qui mélange une jolie intrigue avec des pages didactiques qui font penser à des articles d’une quelconque encyclopédie à l’ancienne. La prise de risque reste tout de même osée, puisque le jeune public est assez exigeant, et qu’il faut tenir la cadence de deux albums par an (une promesse qui peut être facilement tenue puisqu’il y a un dessinateur différent à chaque fois). Mais en vrai, ce qui nous intéresse, c’est le fond avec la forme, et peut-on dire que ce premier tome est assez prometteur ?

Avec ce premier tome, on va rencontrer tous les petits personnages qui viendront raconter leur aventure par la suite. Ainsi, on commence par Urania, une vieille lapine sorcière qui vit en marge de la société, mais qui aime les enfants, et leur raconte quelques histoires. Elle est aussi la médecin du village, aussi utile que redoutée. Son rôle dans ce tome est assez mineur, si ce n’est qu’elle met en confiance les enfants, qui vont ensuite parcourir les bois sans trop de crainte. On sent qu’il s’agit d’une femme aimante qui est là pour secourir les héros, ou tout du moins pour les rassurer sur leurs défauts. La BD joue sur les codes de la sorcière gentille et verse dans quelque chose de connu, qui nous permet de rentrer dans une bonne zone de confort.

Une zone tendre et rassurante, qui va permettre par la suite de caractériser chaque petit personnage. Ainsi, on aura un lapin peureux, avec sa sœur qui est plus courageuse et tête brûlée. On aura un renard tout gentil, végétarien et amateur de miel. L’araignée, quant à elle, est une petite farceuse qui s’amuse à faire peur aux autres. La chauve-souris est plutôt téméraire et la chouette sera la voie de la sagesse. Tout ce petit groupe va rentrer au village, montrant alors son caractère à travers quelques petites péripéties, et distillant quelques indices sur l’enjeu principal de la saga, à sa voir un concours de gâteau qui met en jeu plusieurs ingrédients secrets. Et c’est peut-être là que le bât blesse sur ce premier tome.

En effet, si l’on peut comprendre qu’il s’agisse d’une introduction globale, afin de mettre en avant les personnages, on reste tout de même très en surface sur l’enjeu principal. Ce premier tome doit se voir comme une longue introduction, mais ça ne démarre jamais vraiment, et on reste dans l’attente d’une aventure plus grandiloquente. D’autant plus que les « ennemis » sont à peine esquissés, et qu’il n’y a pas vraiment de rivalité qui se met en place, que ce soit dans le groupe de « héros », ou entre les personnages principaux et les concurrents. De même, si ce premier tome se nomme Urania, elle n’apparait qu’au début, pour ne plus jamais revenir par la suite. L’ensemble manque cruellement de fond.

Alors oui, on peut estimer que l’histoire démontre les différents caractères des personnages, correspondant finalement à ce que l’on retrouve dans la vraie vie. Si on gratte un peu, on peut voir que la BD parle du dépassement de soi, que l’amitié (et même l’amour) intergenres peut exister sans problème. On peut aussi y voir le fait de dépasser l’image que l’on se fait de quelqu’un pour vraiment le connaître (l’araignée qui peut faire peur alors qu’elle est très gentille, en plus d’avoir des vertus soignantes). Bref, il y a du sous-texte, mais ça reste un peu trop timide, au sein d’un premier tome qui peine à décoller et qui se sauve réellement par les dessins incroyables de Florent Sacré.

D’un point de vue visuel, c’est tout simplement une dinguerie. Le coup de patte de Florent Sacré est sublime, et surtout, il colle parfaitement à l’ambiance recherchée. On y trouve des éléments très oniriques, il se dégage une atmosphère particulièrement sereine, dans laquelle on se sent rassuré. C’est ce qui permet une lecture plus fluide, car on sent qu’il n’y a pas une once de méchanceté dans cette histoire, et les dessins vont clairement dans ce sens. C’est beau, c’est tendre, même les éléments un peu ésotériques renvoient à un univers que ne renierait pas un certain Hayao Miyazaki. Et histoire d’avoir une certaine cohérence graphique, c’est Jérémie Almanza qui se colle au deuxième tome, et c’est un choix tout simplement parfait.

Au final, ce premier tome de Au Chant des Grenouilles souffle le chaud et le froid, même si on préfère rester du côté chaleureux. Malgré la faiblesse de l’intrigue de ce premier album, on reste bercé par les dessins somptueux de Florent Sacré, qui nous pousse finalement à scruter chaque planche, et à en apprendre davantage sur ces petits animaux qui nous ressemblent tant. Si l’on ajoute à cela l’aspect didactique des planches d’encyclopédie qui sont toutes mignonnes, on obtient une BD jeunesse prometteuse, qui manque peut-être de mordant dans cette introduction, mais qui ne demande qu’à décoller par la suite.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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